lundi 16 mars 2015

Témoignages de déportés

Voici ci-dessous plusieurs extraits de témoignages venant de livres , d'articles de journaux et d'internet .



« On m’a amené sur le territoire du camp. Il tombait une légère neige, qui fondait immédiatement  .je me souviens que je portais un demi-manteau ouvert. Il commençait à faire sombre, mais nos soldats ont trouvé un appareil qui fait de la lumière. Des  émaciés en tenue rayée, s’approchaient de nous et nous parlaient de différentes langues .Même si j’ai vu des gens mourir au front ,j’ai été frappé par la cruauté jamais vu des nazis au point de transformer des peuples entiers en squelettes vivants. »
Général Petrenko ,Extrait de "Avant et Après la Auschwitz",1945



« Tonin,mon beau-père ,qui me suivait ,me dit alors :Mon dieu !comme tu as maigri !Comme tu as vieilli !Cela ne me vexa pas …Il est vrai que je devais avoir une drôle d’allure avec mes vêtements d’emprunt dans lesquels je flottais ,avec mes chevilles gonflées d’œdèmes, ma chevelure qui repoussait ,indisciplinée ,sur un crâne tondu il y a quelques semaines auparavant …L’annonce de mon arrivée se répandit comme une trainée de poussière .Tout le village défila autour de moi :certains me regardaient avec pitié et d’autres me donnaient un petit présent .Je mangeais voracement  -je ne serai jamais rassasié ?-Les forces me revinrent petit à petit".
Marcelle Soulier ,"J’ai été un numéro 27548"

A peine alimentées au point de manger parfois des herbes chauffées dans un peu d'eau ou de dévorer des fleurs de colza dans un champ ,nous avons dormi dans des hangars .Plus sûres de nous ,nous allions  jusqu'à nous aventurer dans des fermes .Régine prenait contact avec la fermière ,lui expliquant que nous voulions du travail. Pendant ce temps ,Josy et moi cherchions dans les remises de quoi manger [...]
Tout allait à vau-l'eau dans ce pays en pleine débâcle ...les habitants , à l'exemple de leur armée , fuyaient  devant l'avance des Alliés .Les maisons ,les magasins pillés ,vidés de leur contenu .C'est ainsi que ,au milieu de ce fracas ,nous trouvions des vêtements nous permettant de passer plus inaperçues et ô richesse ! Un lot de grandes rondelles de chocolat !Une fois ,nous avions réussi à nous abriter dans un local ,décoré d'oriflammes ,d'affiches de propagande ,devant servir de siège aux Jeunesses Hitlériennes .Nous envisagions  d'y passer la nuit  ,des lits à notre disposition . [...]
Cela resta à l'état de rêve ;de très bonne heure , notre refuge fut investi par une bande de jeunes munis d'un brassard à croix gammée .En hurlant des "Raus" ,ils nous jetèrent dehors .
Adieu notre "trésor de guerre ",adieu notre chocolat !

Raymonde Tillon ,"J'écris ton nom",Liberté" (Le Félin ,2002)


Nous sentons la fin imminente ,mais plus elle approche et plus l'angoisse monte .Ne vont-ils pas nous massacrer pour effacer les traces , à quelques jours ou heures de la Libération ?Leur plan est autre : la direction du camp s'est mis en tête de nous évacuer à nouveau . Pris en étau entre les Américains et les Soviétiques ,ils ne veulent pas rester sur place . Commence alors une terrible lutte pour ne pas se laisser faire : l'évacuation avant  l'arrivée des Alliés ,c'est la mort presque à coup sûr .Soit  par une marche forcée ,soit par l'envoi vers un mur d'exécution ou une chambre à gaz .Bien sûr ,ce n'est pas un combat avec des armes qui s'engage , mais une bataille d'esquive pour ne pas se laisser embarquer . [...]

Cette bataille contre l'évacuation va durer 2 jours .Il faut savoir ce que représente 2 jours quand  sans cesse on est poussé vers la place d'appel et qu'il faut réinventer un moyen de se défiler ,de sortir des rangs ,de revenir vers le camp ...
Les appels succédaient aux appels , les SS sortaient les déportés des blocks par groupes de 100 ou 200 , les amenaient sur la route et nous entendions parler de massacres . Au bout de deux jours, l'évacuation par petits groupes a cessé et c'est la totalité du premier camp ,du moins ce qu'il en restait ,qui s'est retrouvée sur place et a été poussée à l'extérieur vers un immense atelier .De cet édifice ,les Allemands continuaient à nous évacuer , plus facilement .
Il faut tenir ,tenir ,l'arrivée des Alliés est peut-être imminente .

Charles Palant ,Je crois au matin , (Le Manuscrit /Fondation pour la mémoire de la Shoah ,2010

Olga Wormser-Migot travaille en 1944 pour le ministère des Prisonniers , des Déportés et Réfugiés .A ce titre ,elle est à l'hôtel Lutetia* ,quand les déportés reviennent . 

Dans le hall ,ils sont happés par la machine qui se veut bienfaisante : le repas pour ceux qui peuvent manger ,la visite médicale ,l'interrogatoire des divers officiers de police ,des enquêteurs du ministère .Il s'agit de dresser leur fiche d'identité ,leur catégorie ,de ne pas mêler STO ,volontaires ,déportés ,de savoir à quelle prime ils ont droit ...On leur fait raconter leur itinéraire .Ils ont perdu la mémoire des dates  ,ignorant le nom des Kommandos ,ne connaissent leurs bourreaux que par des surnoms ,ou des noms écorchés :
"Quels sont les camarades que vous avez vu mourir ?" Ils ricanent à  cette question stupide .
Nous nous sentons misérables à leur yeux .
[...]On détourne la tête quand les revenants retrouvent une femme ,un père ,qui hésitent à les reconnaître et étreignent furieusement ces corps sans poids ,d'où sort la voix de celui qui est parti .Le plus terrible pour eux , c'est l'assaut de ceux qui attendent avec des photos qu'ils leur mettent sous le nez :
"Rappelez-vous , rappelez-vous ,si vous l'avez rencontré ,vous ne pouvez pas l'oublier."[...]
L'air traqué quand on leur pose des questions trop précises .On va les punir pour avoir oublié un nom ,pour s'être trompés de dates .
On va les renvoyer là-bas ...Quand pourront-ils rentrer chez eux ?
Il faut leur expliquer qu'ils peuvent nous aider à trouver les autres ,à  localiser les charniers sur les routes de l'évacuation ,peut-être à identifier les bourreaux .

Olga Wormser-Migot ,Quand les alliés ouvrirent les portes ...le dernier acte de la tragédie de la déportation (Robert Laffont ,1965)
*Hôtel ayant accueilli les déportés à leur retour des camps de concentration nazis

Voir aussi : Le jugement des dirigeants d'Etat Nazis le 28 janvier 1946 ,à Nuremburg par le tribunal militaire international :
 http://www.fndirp.asso.fr/wp-content/uploads/2013/03/temoignage_mc_vc_nuremberg.pdf 




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