lundi 16 mars 2015

Témoignages tirés de livres sur le retour à la vie

A propos de la libération des camps et du retour à la vie


Primo Levi, "La Trêve"

« Nous étions partis six cent cinquante, nous revenions trois. Que n'avions-nous perdu pendant ces vingt mois, Qu'allions-nous retrouver chez nous ? Quelle partie de nous-mêmes avait été usée, consumée ? Retournions-nous plus riches ou plus pauvres, plus forts ou plus vains ? Nous n'en savions rien, mais nous savions qu'au seuil de notre maison, pour notre bien ou pour notre malheur, nous attendait une épreuve et nous nous la représentions avec crainte. Nous sentions couler dans nos veines, mêlé à notre sang exténué, le poison d'Auschwitz. Où allions-nous puiser la force de recommencer à vivre, d'abattre les barrières, les haies que l'absence développe spontanément autour de chaque maison déserte, de chaque terrier vide ? ….Nous nous sentions vieux de plusieurs siècles, écrasés par une année de souvenirs sanglants, épuisés et sans défense. Les mois , que nous venions de passer à vagabonder aux confins de la civilisation, nous apparaissaient maintenant, en dépit de leur rudesse, comme une trêve, une parenthèse de disponibilité infinie, un don providentiel du destin, mais destiné à rester unique. »


Ida Grinspan," J'ai pas pleuré"

« Fin 1946, la déportation est considérée comme une affaire classée. On en parle moins qu'on ne le fera 40 ans plus tard. Il n'existe pas de structures pour remettre dans le circuit scolaire....Pas  l'ombre d'un psychologue! Notre santé physique est prise en compte , mais le reste, personne ne s'en occupe.... »


Germaine Tillon, "La traversée du mal"

"Quant à moi, si j'ai survécu, c'est par hasard. En plusieurs occasions, j'ai failli mourir. J'ai été aidée. J'ai aidé des camarades et beaucoup de camarades m'ont aidée. Il y a eu autour de moi une entraide constante...car c'est seulement en avril 1945, et un peu avant la capitulation du monstre, que, par ruse, la Croix-Rouge suédoise nous avait sauvées. Mais, à cette date, je ne pensais plus survivre car six semaines plus tôt, pendant qu'elle était loin de moi, ma mère avait été enlevée avec des centaines d'autres victimes , et toutes avaient été conduites dans le petit camp d'Uckermack, puis de là à la chambre à gaz. Exactement le 2 mars 1945. Depuis, je n'avais plus qu'une seule pensée: au moins savoir; au moins faire la lumière sur son assassinat et sur ses assassins."


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